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Dinéault | 23-11-2021

Ces lieux de vie entre maintien à domicile et Ehpad

De son fauteuil roulant poussé par sa voisine de chambre, Marie Anne, 89 ans, se saisit, dans la boîte à lettres, des courriers destinés aux colocataires. II lui faudra sans doute un peu d’aide pour en assurer la distribution. Qu’importe. La presque nonagénaire est fière de se rendre utile. Elle embrasse du regard le quartier pavillonnaire, prend une grande inspiration : « Je crois que je commence à prendre mes marques ».

La vieille dame est l’une des toutes premières occupantes de la résidence Âges & Vie qui a ouvert ses portes, fin octobre, à Dinéault (29).Jusqu’à présent, elle vivait seule chez elle à Cast (29), près de Locronan (29). Mais, du fait de son handicap, il a fallu se rendre à l’évidence. « J’étais sujette à des angoisses terribles, mes filles ne voulaient plus que je reste seule ». Quinze jours après avoir posé
ses cartons dans son nouveau chez elle, l’ancienne cadre de santé revit. Volubile, elle se dit ravie d’être « entourée de monde », de sortir dans le bourg, de goûter aux animations proposées. Hier, elle a pris part à l’élaboration des menus de la semaine cuisinés sur place. Cet après-midi, elle se fera cocooner à l’atelier soin des pieds, proposé par Anaïs, auxiliaire de vie.

Des auxiliaires de vie et des temps partagés
Ni tout à fait domicile, ni institution : né en 2008 en Franche-Comté, Âges & Vie, qui compte six unités ouvertes et une trentaine de projets d’ouverture en Bretagne, est un précurseur dans le domaine de « l’habitat inclusif ». Construites au cœur des communes rurales – Péaule (56), Saint
Brandan (22),Saint-Ouen-des-Alleux (35) et bientôt Ploubezre (22), Scaër (29), Cléguérec (56)… -, ses maisons partagées permettent aux seniors en perte d’autonomie, qui ne peuvent ou ne veulent plus vivre isolés, de faire l’expérience de la colocation pour personnes âgées dans un cadre
adapté proche de chez eux. « N’avoir qu’une rue à traverser pour déménager permet de garder ses repères, ses amis », fait valoir Évelyne Bridel, animatrice réseau pour la Bretagne.

Une « troisième voie »plébiscitée
Huit studios privatifs, de plain-pied, avec accès direct à une terrasse, sont disposés autour d’un vaste séjour-salon-cuisine à la déco contemporaine cosy, où les colocataires peuvent partager des moments conviviaux, disputer un jeu de société ou participer en groupe à l’épluchage des légumes, par exemple. Trois auxiliaires de vie recrutées localement se relaient, en journée, pour assister les hôtes dans leur quotidien : aider à l’habillage, préparer à manger, accompagner un rendez-vous chez le coiffeur ou une sortie sur le marché. La responsable de maison vit à l’étage dans un spacieux T4 avec sa famille : une présence sécurisante, 24 h/24, des frais mutualisés et un brassage intergénérationnel apprécié !
L’exemple de Dinéault illustre parfaitement le concept d’« habitat inclusif ». Comprenez regroupé, partagé et inséré dans la vie locale. À la fois logement en petite unité et projet de vie social. Non médicalisé, mais offrant un accompagnement plus individualisé que la résidence autonomie (ancien foyer-logements), à vocation sociale, ou les résidences de services privées (Domitys, Jardins d’Arcadie, Les Senioriales…). Médecin, infirmiers, kiné, viennent ici de l’extérieur assurer les soins. « De fait, on est plus proche du maintien à domicile que de l’Ehpad », souligne Évelyne Bridel. Montant du reste à charge mensuel moyen, une fois les aides déduites : 1600 euros, soit moins qu’en Ehpad.

Colocations seniors, béguinages…
Cette « troisième voie », encouragée par la loi Élan de novembre 2018, a déjà vu éclore de nombreux programmes innovants ces dernières années en Bretagne. Habitats groupés, partagés, participatifs, logements Bienveillant comme à Guilers (29)ou béguinages comme à Quimper… Les dénominations diffèrent, les porteurs de projets aussi (bailleurs sociaux, collectivités territoriales, associations, mutuelles, fondations, gestionnaires d’établissements médico-sociaux comme Korian, actionnaire majoritaire d’Âges & Vie). Cette offre diversifiée répond à une demande sociétale grandissante : 80% des Français (92 % des plus de 65 ans) rechignent à aller en établissement et attendent que les politiques publiques incitent au maintien à domicile, selon un sondage Oxoxa pour Adécom et Ocirp  de mai dernier.

Les petites villes cœur de cible
Un message reçu 5/5 par le gouvernement. Le 25 octobre, il a fléché, pour 2022,400 millions d’euros pour le grand âge dont 280 millions d’euros pour mieux financer les services d’aide à domicile. Un appel à projet est lancé pour créer, d’ici à 2026, au cœur des petites villes, 500 habitats inclusifs pour personnes âgées. L’aide à l’ingénierie concernera, dès l’an prochain, cent premières collectivités. 23 millions d’euros iront, par l’intermédiaire des départements, à l’aide à la vie partagée versée aux
personnes vivant en habitat inclusif, et 22 millions d’euros au forfait habitat inclusif déployé par les agences régionales de santé (ARS).

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